lundi 22 juin 2009

La sous-traitance entre travailleurs autonomes : Les dangers

On se voit confronté un jour ou l’autre à un surplus de travail ou à un contrat trop volumineux pour le réaliser seul. Impossible de dire non aux clients au risque de les perdre. La solution : sous-traiter le surplus de travail. Quels sont les dangers qui guettent cette forme de « partenariat »?


Sous-traitance ou présentation d’un autre travailleur autonome au client

La sous-traitance consiste à contracter avec un client et à faire réaliser le contrat par une tierce partie. Une relation juridique contractuelle existe entre le client et vous, et une seconde relation naît entre le sous-traitant et vous. Aucun lien n’existe entre votre sous-traitant et le client.

Par ailleurs, le seul fait de présenter un autre travailleur autonome à un client ne crée pas de lien juridique entre vous et le client. Si le client décide de faire affaires avec cet autre travailleur, la relation contractuelle sera entre eux.


Implications juridiques avec le client

En décidant de sous-traiter une partie (ou la totalité) de votre travail, vous demeurez responsable de l’ensemble du contrat envers le client. Cette délégation entraîne votre responsabilité à l'égard du travail du sous-traitant et de ses faits et gestes dans le cadre du contrat. Vous ne pouvez vous dégager de cette responsabilité, mais vous pouvez évidemment recourir contre le sous-traitant fautif. Le choix du sous-traitant et le contrôle que vous pourrez exercer sur son travail constituent donc des éléments très importants.

Même si la seule introduction de votre client auprès d'un autre travailleur n'engage pas votre responsabilité, le geste n'est pas sans conséquence d’affaires. En proposant cette autre personne, vous « endossez » informellement la qualité de son travail. Un mauvais rendement de ce travailleur pourrait nuire aux relations futures avec votre client.


Implications juridiques avec le sous-traitant

Les dangers sous-estimés résident dans la relation avec le sous-traitant. En effet, en confiant une partie (ou la totalité) de la réalisation de votre contrat à celui-ci, vous exposez votre relation avec votre client. Voyons les principaux risques pour lesquels des solutions toutes simples existent.

Confidentialité
Votre sous-traitant accèdera à des renseignements et à des documents confidentiels concernant votre client. La responsabilité de l’utilisation de cette information pourrait vous être imputée directement. De plus, votre sous-traitant produira possiblement lui-même des documents contenant de l’information privilégiée. Il est donc risqué que ces documents demeurent en sa possession à la fin du contrat.

Concurrence
Votre allié d’aujourd’hui pourrait bien devenir votre concurrent. Ses contacts avec vos clients et la connaissance de vos méthodes de travail lui permettraient de faire affaire directement avec vos clients avec une facilité déconcertante!

Sollicitation
Votre sous-traitant découvre l’expertise et les habiletés de votre secrétaire ou encore, du comptable d’un de vos clients. Sa croissance nécessitant l’ajout de ressources, il pourrait bien solliciter votre personnel ou celui de vos clients, à votre détriment.

Droit d’auteur
Par défaut, le droit d’auteur sur ce qui est produit (logiciel, texte, outils, etc.) demeure au sous-traitant. Il pourrait s’avérer compliqué, à l'avenir, de réutiliser ou de modifier un travail sur lequel vous ne possédez pas les droits.

Frais et indemnisation
Votre client décide de vous poursuivre. Bien que la loi vous autorise à intenter une action contre votre sous-traitant, qui assumera vos frais juridiques? Votre sous-traitant est-il suffisamment solvable? Sera-t-il en mesure d'assumer sa responsabilité pour les dommages?


Moyens de protection

Des moyens simples existent afin de pallier les différents risques que nous venons de survoler.

Décliner toute responsabilité envers le client
Votre client peut accepter cette limitation. Cependant, cette façon de faire n’est pas de nature à le rassurer. Il pourrait choisir de contracter directement avec le sous-traitant.

Entente de sous-traitance
Un court document d’environ une page peut contenir l’ensemble des clauses ci-après, auxquelles s’ajouteront les paramètres du contrat.

Droit de regard et de contrôle sur le travail du sous-traitant : Conservez un droit de validation du travail réalisé ainsi que de la méthode et des procédés utilisés.

Clause d’indemnisation et de protection en cas de litige : Prévoyez que le sous-traitant prenne fait et cause pour vous et vous tienne indemne de toute réclamation.

Non-concurrence et non-sollicitation : Interdisez à votre sous-traitant, pour une période raisonnable, de faire affaire directement avec vos clients ou de solliciter toutes personnes de votre entourage ou de celui de vos clients (employés, clients, partenaires, autres sous-traitants).

Confidentialité : Prévoyez le respect des clauses de confidentialité auxquelles vous êtes vous-mêmes astreints envers vos clients ainsi que la protection de toute information privilégiée.

Cession des droits d’auteur : Exigez la cession de tous les droits d’auteur de votre sous-traitant à votre bénéfice ainsi qu’une renonciation aux droits ne pouvant être cédés.

Remise des documents : Demandez à votre sous-traitant la remise totale de tous les documents sans conservation de copie. Ainsi, vous éviterez des utilisations non souhaitées.

Exigez une assurance responsabilité

Avant de confier un mandat à un sous-traitant, il serait sage d’exiger une assurance responsabilité. Dans l’éventualité d’un recours, vos possibilités d’obtenir une compensation adéquate seront largement supérieures.


Conclusion

La sous-traitance constitue un excellent moyen de combler des besoins temporaires. Cependant, ne négligez pas de bien encadrer une entente de cette nature avec les précautions appropriées.

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Les
avocats d'affaires à Laval Dupuis-Paquin

vendredi 12 juin 2009

Avantages et inconvénients de l’incorporation

Responsabilité limitée, économie d’impôts, crédibilité, etc. L’incorporation a son lot d’images avantageuses. Qu’en est-il réellement? Y a-t-il seulement des avantages? Voyons la réalité.

La compagnie provinciale ou fédérale constitue la forme d’entreprise la plus courante. Elle est régie par des lois particulières, notamment la Loi sur les compagnies ou au fédéral, la Loi canadienne sur les sociétés par actions (les deux gouvernements possèdent juridiction). Comparativement à l’entreprise individuelle, deuxième forme la plus courante d’entreprise, la compagnie donne « naissance » à une nouvelle personne dite morale. Juridiquement, une compagnie possède son identité propre. Nous la comparons à l’individu afin de discuter des avantages et inconvénients liés à ce « véhicule » d’entreprise.


Responsabilité limitée

Un avantage majeur est sans doute la responsabilité limitée que procure la compagnie à ses actionnaires. Puisqu'elle possède sa propre identité juridique, l’entreprise incorporée supporte la responsabilité de ses dettes ainsi que des autres obligations découlant des ses opérations. La recherche de la responsabilité de la compagnie par une action en justice doit être dirigée contre la compagnie elle-même. Les propriétaires de la compagnie (les actionnaires) ne peuvent être poursuivis personnellement à l'égard de la responsabilité de la compagnie. Bien que la compagnie agisse par l'entremise de personnes physiques, c’est la compagnie, de façon générale, qui est responsable des dommages causés à une autre personne dans le cadre des activités de l’entreprise.

Prenons un exemple : vous êtes l'actionnaire majoritaire d'une compagnie qui possède une flotte de camions. L'un des camions est impliqué dans un accident causant des dommages à une bâtisse. L'actionnaire ne peut être recherché en justice pour les dommages causés par le camion. Nous excluons bien sûr l'hypothèse selon laquelle l'actionnaire aurait commis une faute « personnelle » impliquant sa responsabilité directe (ex. sabotage, conduite en état d'ébriété) dans l'accident comme toute autre personne. Nous sommes tous astreints à des règles de conduite en vertu des règles générales de la responsabilité civile.

Dans la pire situation, soit celle où l’entreprise ne peut plus faire face à ses obligations financières, la responsabilité des actionnaires est limitée à leur mise de fonds dans l’entreprise. Autrement dit, les actionnaires d'une compagnie mise en faillite perdent ce qu'ils y ont investi, mais ne sont aucunement responsables personnellement des pertes des créanciers de la compagnie.


Les propriétaires de l’entreprise ne supportent donc aucun risque? Non.

En pratique, une nouvelle compagnie obtiendra difficilement du crédit, autant de la part des fournisseurs que des prêteurs. En conséquence, les actionnaires devront souvent « garantir » les obligations de la compagnie et ainsi engager leur responsabilité à titre de caution. Les banquiers exigent régulièrement des cautionnements même pour des entreprises établies depuis de nombreuses années. Les banques n'aiment pas prendre des risques. Elles exigent des garanties et comme la compagnie n'en a pas suffisamment, elles demandent un engagement personnel des actionnaires. C'est un processus de négociation.


Les administrateurs de la compagnie ont aussi certaines responsabilités. Règle générale, dans les petites entreprises, les administrateurs sont très souvent les actionnaires de l’entreprise. Or, les administrateurs se voient imposer plusieurs responsabilités importantes. Voyons les principales :

TPS, TVQ, DAS (déductions à la source)

À titre de mandataire du gouvernement, la compagnie (qui n'a pas le choix d'agir à ce titre) doit percevoir des taxes sur ses fournitures de biens et services et retenir sur les salaires versés à ses employés les impôts et autres contributions des employés. Il est important de savoir que les administrateurs peuvent être tenus personnellement responsables des sommes non remises par l’entreprise. Le « financement temporaire » à même les remises gouvernementales est donc une très mauvaise idée. Mieux vaut retarder le paiement des créanciers réguliers que les paiements aux gouvernements!

SALAIRES

Les administrateurs sont personnellement responsables des salaires impayés aux employés de la compagnie, solidairement avec celle-ci, jusqu’à concurrence de 6 mois de salaire, autant en vertu de la loi provinciale que de la loi fédérale.

RESPECT DES TESTS COMPTABLES

Certaines décisions du conseil d'administration dont le paiement de dividendes, sont soumises au respect de la capacité de payer de la compagnie, à défaut de quoi, les administrateurs peuvent être tenus personnellement responsables des dettes impayées de la compagnie. Ça tombe sous le sens. En pratique cependant, certaines situations peuvent ne pas être faciles à évaluer.

LES ADMINISTRATEURS SONT DES MANDATAIRES DE LA COMPAGNIE

Le Code civil impose aux administrateurs le devoir d’agir avec prudence et diligence ainsi qu’avec honnêteté et loyauté, dans l'intérêt de la personne morale, à titre de mandataire de celle-ci. Des comportements fautifs pourraient engager la responsabilité des administrateurs.

FRAUDE, ABUS DE DROIT, ORDRE PUBLIC

La personnalité juridique de la compagnie ne peut servir de paravent pour masquer la fraude, l'abus de droit ou une contravention à une règle intéressant l'ordre public. C'est la notion de voile corporatif que les tribunaux soulèvent dans certains cas. Cette question a fait et continuera à faire couler beaucoup d'encre. Retenons que bien que la compagnie soit une personne distincte, les tribunaux peuvent intervenir pour rejoindre les individus derrière dans les cas graves.


Économie d’impôts

Une petite entreprise peut bénéficier, sur les premiers 400 000 $, de profits d’un taux d'impôt combiné provincial-fédéral aussi peu élevé que 22 %, soit moins que la moitié du taux marginal (le taux applicable à la tranche d'impôt la plus élevée suivant les tables) maximal d’imposition d’un individu qui lui peut atteindre près de 50 %!

À première vue, on serait tenté de croire qu’il est illogique de ne pas incorporer son entreprise! Il faut naturellement nuancer tout cela. Le premier aspect à considérer est que le taux d’impôt corporatif le plus avantageux n’est pas accessible à toutes les entreprises, mais seulement à celles qui exercent certaines activités. Essentiellement, il s'applique aux revenus d'entreprise exploitée activement (un concept fiscal) et non aux revenus de biens (loyers, intérêts, dividendes). De plus, il faut considérer que si la compagnie désire transmettre ses profits aux actionnaires, il y aura imposition additionnelle des revenus qui parviennent aux actionnaires (dividendes, salaires, prêts dans certaines circonstances). La taille de l'entreprise est aussi un facteur. Par exemple, pour un actionnaire ne générant que 25 000 $ de revenus imposables, les avantages de l’incorporation ,à ce niveau de revenu, sont moindres sinon nuls.

Il ne faut quand même pas sous-estimer les avantages fiscaux de l’incorporation. Les possibilités de fractionnement (conjoint, enfants) et de diversification du revenu (salaires, dividendes, avantages, etc.) sont bien réelles. Comme le taux d'impôt est souvent moindre, l'impôt épargné représente autant de liquidités conservées dans l’entreprise pour l’acquisition d’équipements ou le transfert de surplus sans incidence fiscale dans une autre compagnie. Ce sont des éléments à considérer dans le cadre d'une bonne évaluation des avantages et inconvénients.


Crédibilité et pérennité de l’entreprise


La constitution en compagnie d'une entreprise peut accorder une certaine notoriété à l'entreprise. Pour les clients et les fournisseurs, le fait de faire affaires avec une compagnie dûment constituée peut donner l'impression d’un certain sérieux comparativement à l'entreprise individuelle. Bien qu'il s'agisse d'une perception peut-être mal fondée, elle existe tout de même chez plusieurs personnes. Par contre, des études ont démontré que, statistiquement, les entreprises incorporées demeuraient plus longtemps en affaires et réussissaient mieux que les entreprises individuelles.

La compagnie étant une personne morale, elle possède l'avantage de ne pas mourir comme le font les personnes physiques. La compagnie survit à ses actionnaires et administrateurs. Dans l'optique d'une continuité, ce facteur peut être considéré par les clients, les fournisseurs, les créanciers et les investisseurs. D'ailleurs, la question de la transmission d'une entreprise aux survivants qu'il s'agisse de la famille ou de tiers est une question fort importante où se rencontrent des considérations de différents ordres (familiales, fiscales, corporatives, etc.).


Conclusion


L’incorporation génère dans bien des cas des avantages réels et importants pour l'entreprise elle-même et pour ses actionnaires et administrateurs. Chaque cas est un cas d'espèce. Il faut éviter de généraliser trop rapidement, car les contraintes juridiques, les caractéristiques de l’entreprise, la nature de ses activités, la structure de l'actionnariat, le volume d’affaires, l’identité des administrateurs et des actionnaires, ainsi que plusieurs autres considérations interviennent. Il est donc important de procéder à une analyse des avantages et des inconvénients pour chaque projet et d'obtenir des conseils judicieux à ce sujet. Mieux vaut être bien informé au départ et de s'embarquer dans la grande aventure en toute connaissance de cause que de découvrir sur le tard qu'il eut été préférable et payant d'agir autrement.

Les services parajuridiques Paraco et avocats corporatifs Dupuis-Paquin.

mercredi 3 juin 2009

L’enregistrement d’une marque de commerce : une garantie absolue?

* Cet article fait suite à l'article intitulé « Les formes juridiques d'entreprises : Avantages et inconvénients ».

Force est d’admettre que l’enregistrement d’une marque de commerce et son utilisation ne garantissent pas le droit à son exploitation. Dans une récente décision, la Cour d’appel du Québec vient d’autoriser une injonction interdisant à un commerce d’automobiles d'utiliser un nom enregistré.
En effet, fondant son jugement sur les risques de confusion, la Cour d’appel ordonne à une entreprise, ayant pourtant enregistré sa marque de commerce, de cesser d’utiliser le nom « Montréal Auto Crédit », à cause de l’emplacement de son commerce, de la forme semblable de sa publicité diffusée et de la quasi-similitude du nom avec « Montréal Auto Prix »
1 . L’entreprise se voit contrainte d’abandonner l’exploitation commerciale de son nom.
La Loi sur les marques de commerce établit les circonstances à considérer pour décider s’il y a confusion possible :

Art. 6(5)a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus ; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage ; c) le genre de marchandises, services ou entreprises ; d) la nature du commerce ; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent.
2

C’est en analysant les décisions rendues en vertu de cet article que la Cour d’appel est arrivée à la conclusion que « Montréal Auto Crédit » a tenté de tirer profit de la confusion des consommateurs afin de promouvoir son commerce.

Avant de pouvoir enregistrer, il est possible de faire soit même des recherches auprès du Registraire des entreprises ou dans le système NUANS (NUANS est une marque de commerce appartenant au gouvernement du Canada). Même si on vous permet d'enregistrer un nom quelconque, cela ne signifie pas qu'il n'est pas utilisé par quelqu'un d'autre. Cette autre personne, même si elle n'a pas fait enregistrer son nom, peut posséder des droits supérieurs parce qu'elle utilise le nom depuis longtemps. Cela signifie par contre que si vos recherches indiquent que le nom que vous choisissez n'est pas enregistré ou utilisé, que vous avez intérêt à l'utiliser pour établir vos droits à ce nom. Il est à utiliser dans la dénomination sociale, la papeterie, les contrats, la publicité, etc.

Par conséquent, bien que l’enregistrement d’une marque de commerce offre une protection précieuse, il est important de ne pas tenter d’induire la confusion dans l’esprit de la clientèle. Une évaluation sérieuse et un minimum de recherches sont nécessaires afin d’obtenir une protection adéquate. N’hésitez pas à obtenir l’avis d’un expert en la matière avant d’investir financièrement dans l’enregistrement d’une marque de commerce.


1.Montréal Auto Prix Inc. c. 9078-7995 Québec Inc., 500-09-012358-024, 3 septembre 2004, Honorables Juges Robert, Mailhot, Morin. C.A
2.Loi sur les marques de commerce, L.R.C.1985, c. T-13